HAMMOURABI

HAMMOURABI
HAMMOURABI

Septième prince de la première dynastie de Babylone, Hammourabi est le souverain le plus prestigieux de la Mésopotamie ancienne par l’ampleur de son œuvre politique et législative. Son règne de quarante-trois ans est considéré comme l’âge d’or de la civilisation babylonienne. La découverte de son code par une mission française, en 1902, sur l’acropole de Suse, a renouvelé l’histoire du droit.

Vie et conquêtes

Âgé d’environ vingt-cinq ans lorsqu’il succède à Sîn-muballit, son père, Hammourabi règne sur un modeste royaume (environ 34 000 km2), sorte d’État tampon entre, notamment, l’Assyrie (ou Soubartou) de Shamshi-Adad Ier et la principauté de Larsa, gouvernée par Rîm-Sîn. Par une politique de bascule, profitant des moindres circonstances favorables (âge avancé de ses principaux adversaires, menace que les montagnards du Touroukkou font peser sur l’Assyrie), il agrandit d’abord son domaine vers le nord, sur le moyen Euphrate, et le consolide par des fortifications. À partir de la trente et unième année de son règne (1698), il est assez puissant pour bousculer une coalition sur la rive gauche du Tigre, vaincre Rîm-Sîn, défaire le prince d’Eshnounna soutenu par l’Élam, puis Zimri-Lim de Mâri (1694) auquel il était lié depuis vingt ans par une alliance, enfin l’Assyrie elle-même (1688). À la fin de son règne, son empire englobe toute la vallée du Tigre et celle de l’Euphrate jusqu’au-delà du Habour, soit la quasi-totalité de l’Iraq actuel et la partie orientale de la Syrie. Le prince de Babylone peut se proclamer non plus seulement roi de Sumer et d’Akkad, mais encore roi des Quatre Régions, manifestant ainsi son aspiration à la monarchie universelle. Sa dynastie se maintiendra sous ses cinq successeurs avant d’être abattue par un raid hittite (vers 1530) qui profitera à des envahisseurs kassites.

L’administrateur

Renouvelant les tentatives de monarchie unitaire ébauchées par Sargon d’Akkad et par la troisième dynastie d’Our, Hammourabi a réalisé une remarquable œuvre centralisatrice. Un empire est substitué aux cités-États rivales. Des gouverneurs nommés par le roi remplacent les princes locaux. L’akkadien supplante le sumérien devenu une langue morte d’usage liturgique ou savant. Une religion d’État, celle de Mardouk, dieu de Babylone, évince les dieux des anciennes cités.

Quelque cent cinquante lettres de Hammourabi révèlent l’action administrative du palais dirigée par un Premier ministre (ishshakkou). Le gouvernement veille aux travaux publics (curage des canaux par les riverains, édification et entretien des temples et des remparts), à la collecte des impôts, à la gestion du domaine royal. Le comput du temps même, qui, jadis, était laissé à l’initiative des cités, est réglé par un calendrier officiel.

Comme juge, le roi prescrit des enquêtes sur les plaintes des particuliers, notamment contre les abus commis par les fonctionnaires. Des inspecteurs, accompagnés par des courriers et escortés de soldats, parcourent le pays pour transmettre les ordres royaux et veiller à leur exécution.

Le législateur

Mais c’est surtout dans son code que se manifeste le génie unificateur de Hammourabi. Le roi en ordonna au moins deux rédactions, séparées par un intervalle de cinq ans. La seconde, dressée dans la trente-quatrième année du règne, est connue par la stèle conservée au Louvre et traduite en français dès 1902 par le père Vincent Scheil. Un bas-relief y figure le roi recevant de Shamash, dieu du Soleil et de la Justice (ou de Mardouk?), le contenu des lois. Le texte comporte un prologue, environ deux cent quatre-vingts articles et un épilogue. Prologue et épilogue exaltent les hauts faits du souverain, les buts de son activité législative, et cherchent à assurer, au moyen de bénédictions et d’imprécations, le respect de sa volonté. Trouvée à Suse, où un conquérant l’avait transportée au XIIe siècle avant J.-C. comme butin de guerre, la stèle avait été polie à sa base; la lacune résultant de cette mutilation a été partiellement comblée grâce à vingt-deux fragments de copies sur argile retrouvés dans les sites les plus divers et de dates très échelonnées. Ces copies prouvent la diffusion et la renommée du Code loin de Babylone (Élam, Assyrie) et mille ans après sa promulgation.

On connaît aujourd’hui les fragments d’au moins trois codes, sumériens et akkadien, antérieurs à celui de Hammourabi, et qui lui ont en partie servi de modèles. Toutes ces œuvres constituent, plus que des codes au sens moderne, des recueils inspirés par des précédents judiciaires et destinés à compléter la coutume ou à trancher des espèces délicates: elles forment donc une législation casuistique et complémentaire, comparable à celle de certains capitulaires.

Le droit révélé par le Code opère la synthèse d’éléments sumériens et sémitiques. Il évoque déjà une société de marchands tandis que, treize siècles plus tard, la loi des Douze Tables apparaîtra encore comme un code de paysans (P. Bonfante). On l’a aussi opposé, pour le modernisme de son esprit laïc, au Code de l’Alliance, pourtant postérieur de huit siècles. Les préoccupations sociales du législateur (tarifs de salaires, mercuriales de denrées) y sont manifestes. Les institutions archaïques (propriété collective, juridiction domestique, vengeance privée) y sont en recul. La rédaction en est excellente; le vocabulaire est remarquable par sa propriété, et le style par sa concision. Toutes ces qualités ont valu à l’œuvre de Hammourabi un rayonnement étendu et durable; elles justifient qu’on le regarde encore comme le monument législatif le plus fameux de l’antiquité préromaine.

Selon de nombreux assyriologues, il faudrait lire Hammourapi, mais certains, tout en admettant le bien-fondé de cette mise au point, préfèrent le nom consacré par l’usage.

La chronologie absolue de l’histoire mésopotamienne jusqu’au milieu du IIe millénaire reste très discutée. Le règne de Hammourabi, placé naguère aux alentours de l’an 2000, a été abaissé de trois siècles. F. Cornelius (Klio , 1942) a donné la chronologie «courte» retenue ici, mais une chronologie «moyenne» (1792-1750) étayée sur de nouveaux arguments (M. B. Rowton, Cambridge Ancient History ) semble regagner du terrain.

Il n’existe ni chroniques ni annales contemporaines. L’histoire politique est reconstituée surtout à l’aide des «formules de datation», car les Babyloniens désignaient les années par les événements mémorables (victoires, dédicaces des temples, constructions de canaux, de palais ou de fortifications). Même recoupés par les renseignements que fournissent des lettres diplomatiques, les faits demeurent parfois, dans le détail, d’une interprétation malaisée. Ces incertitudes n’affectent ni la physionomie d’ensemble du règne ni, moins encore, le panorama de la civilisation babylonienne au temps de Hammourabi.

Des controverses touchent encore la signification du code où certains (F. R. Kraus) ne voient qu’un écrit d’apparat sans portée législative.

Hammourabi ou Hammourapi
(chronologie controversée: 1792, 1750 ou 1730 - 1686 av. J.-C.) roi de Babylone. Il créa l'Empire babylonien en soumettant Sumer et Akkad, puis l'Assyrie. Son Code, gravé sur la stèle trouvée à Suse en 1901 (Louvre), montre l'importance de son oeuvre législative.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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